Cette année la, le Père Noël reçut une lettre qui l’émut beaucoup.
Cher Père Noël,
Ma demande, cette fois,va te paraître originale. Je ne sais trop si tu pourras la satisfaire.
Ça ne fait rien, si tu n’y parviens pas. Voici. J’aimerai, pour Noël, avoir un perroquet. Mais un perroquet le plus intelligent possible, pour pouvoir discuter avec lui .Je suis pratiquement paralysé et, toute la journée, je reste devant mon ordinateur, dans ma chambre ,à faire des devoirs en ligne. En un mot, j’ai besoin d’un peu de compagnie.
Merci, Père Noël, pour tout les efforts que tu pourras faire. Je te fais un collier virtuel avec mes bras que je ne peux plus soulever. Mille baisers.
Jeannot.
Papa Noël se mit à réfléchir sérieusement. D’abord, il examina la situation du garçon avec ses pouvoirs de double vue. Il vit que l’enfant méritait vraiment de l’aide et que sa maladie irait en empirant : la maladie de la pierre était incurable et ses membres continueraient de se pétrifier, quoi que l’on fît. Il entra donc dans sa grande volière pour examiner les perroquets et fut accueillit par un charivari de cris et d’interpellations.
– Bonjour Père Noël !
– Que viens-tu chercher, ô maître ?
– Voila le patron, attention !
Tous ces saluts se détachaient sur un fond de chants, de roucoulades, de pépiements précipités, renouvelés en boucle, sur un mur sonore que les perruches maintenaient en permanence.
Les vedettes, après les premières salutations, entonnèrent des cantiques : Mon beau sapin, Petit Papa Noël,Douce Nuit …Qui choisir dans tout se charivari ?
Les cacatoès, les plus grands et les plus huppés,parurent un peu sots au Père Noël.
– C’est moi le plus beau, disait un cacatoès à la crête rouge et blanche avec des flammes jaunes à la base du crâne.
– Non, c’est nous, prétendaient en chœur les aras, aux plumages multicolores.
– Vous êtes des petits, reprit un immense Microglosse noir.
– Taisez-vous, fit le maître des lieux ! qui chantait, à l’instant, la deuxième voix de Douce nuit, sainte nuit?
– Moi répondit timidement un perroquet gris d’Afrique Centrale, le plus terne des perroquets par son plumage.
– Viens toi, c’est toi qu’il me faut.
Il le mit dans sa hotte et partit faire sa tournée. Jeannot, au matin de la fête, fut un peu déçu par l’apparence modeste du perroquet qui avait juste quelques plumes rouges au bout de la queue. Mais très vite,quand il fit plus ample connaissance avec l’oiseau, il apprécia sa compagnie.KOKO accompagna désormais le déroulement de la journée de ses petits commentaires.
-Il fait beau, aujourd’hui, ou : il fait gris.
Il sifflait la petite musique de l’ordinateur qui se met en marche. Même, il précédait la machine, quand l’heure de travailler était venue ce qui était pas toujours du goût de Jeannot. Le plus amusant était sans conteste les déplacements de KOKO dans la maison. Il grimpait le long des chaises ou des fauteuils en se servant à la fois de ses pattes et de son bec ; il montait sur l’épaule du paralysé, lui pinçait l’oreille en croassant :
– Petit galopin !
Il voulait goûter de tout.
– Donne ! Et il saisissait un fruit avec ses serres pour les porter à son bec crochu, tranchant comme une lame. Il commentait alors :
– C’est bon !
La maladie de Jeannot s’aggrava, comme il était prévisible Il pouvait de moins en moins se mouvoir. Ses mains se durcirent et se rétractèrent à la fois. Ses parents lui installèrent un ordinateur répondant à la voix. Ils le mettaient en marche le matin et l’enfant lui donnait ses ordres : ouvre mon cours de français, par exemple. Il écoutait les consignes et répondait à haute et intelligible voix.KOKO fut aux premières loges sur l’épaule du jeune malade et parfois Jeannot lui demandait, à voix basse, de donner l’ordre suivant. Leur complicité grandit encore, s’ils était possible. Oh, il y avait des brouilles, et les deux compagnons s’envoyaient des bordées d’insultes, tirées de Tintin pour Jeannot, du Kikongo pour KOKO, sa langue natale. Comme ils ne mesuraient pas bien, ni l’un ni l’autre, la gravité de ces propos, ils faisaient la paix rapidement.
– Allez, KOKO, ne soit pas fâché !
– Allez, Jeannot ne soit pas fâché !
A plusieurs reprises, sentant venir un évanouissement, Jeannot lança un appel au secours vers son microphone :
– Alerte, code : deux cent vingt deux !
Immédiatement ses parents et le médecin étaient avertis qu’une crise avait commencé. Ils arrivaient le plus vite possible, au bout de quelques minutes. Des médicaments spécifiques rétablissaient la situation.
L’insolent KOKO n’eut rien de plus pressé à faire que de crier , à la première occasion : Alerte puis le code, alors qu’il n’y avait aucun danger. Il fut vigoureusement réprimandé et remis dans une cage. La tête dans les plumes, Il prit un air penaud et repenti. De temps en temps ou de deux clignements de sa paupière blanche, il rentrait à nouveau sa tête. Le moment de la réconciliation n’était pas encore venu. On l’entendait soupirer.
Pour plus de sécurité les parents installèrent, à la suite de cette fausse alerte, une petite caméra sur l’ordinateur, afin de vérifier par l’image l’état réel de leur fils. A tout moment ils pouvaient surveiller l’enfant de leurs propre PC, chacun à son travail. Jeannot fit tant et si bien qu’il finit par obtenir la grâce de KOKO. Heureusement. Car quelques jours, plus tard, le garçon fut pris de tremblements si violents qu’il renversa son PC et qu’il n’eut pas le temps de lancer son cri d’alarme. Crise ultime ou crise salvatrice?
KOKO fut à la hauteur des circonstances. Le Père Noël avait vu juste en lui faisant confiance. Il se précipita devant l’ordinateur tombé par terre et cria : Alerte, code : deux cent vingt deux. Puis saisissant la webcam dans son bec, il la souleva et , grimpant sur une chaise, la dirigea vers le jeune garçon tombé dans le coma. L’appareil fonctionna, malgré la chute. Les parents se rendirent compte que cette fois-ci, les choses étaient sérieuses. Ils accoururent. Le médecin ne leur laissa guère d’espoir.
– Jeannot est arrivé au bout de ses souffrances, déclara-t-il sobrement.
Au même moment, le perroquet s’élance et disparaît par la fenêtre entr’ouverte, lui que personne auparavant n’avait vu voler. Son départ passe inaperçu. Seule la maman, un court instant, se dit avec effroi : » C’est l’âme de mon fils qui s’échappe avec lui ! » Stupeur ! Une demi-heure plus tard, alors que beaucoup de monde s’affaire autour du petit corps inanimé, KOKO revient avec une ampoule fichée dans les plumes. Le médecin lit sur la fiole : Litholyse, traitement génique de la maladie de la pierre, Laboratoire d’Austin. USA. Comment KOKO a-t-il pu faire ce long voyage en si peu de temps ? Mystère.
Il y a du Père Noël là-dessous, qui, c’est bien connu, a des relations dans le monde entier. Arrivé au bout de sa science, le docteur après quelques coups de fils qui ne lui donnaient guère d’assurance, s’en remet à cette médecine venue du ciel. Il fait sur-le-champ la piqûre à Jeannot. Ce dernier paraît réellement soulagé. Le garçon revient à lui et retrouve partiellement l’usage de ses mains. Désormais, KOKO, avec l’aide du Père Noël, s’improvise infirmier et amène le jeune malade à une rémission certaine du mal.
Entre temps la confirmation est arrivée : Les Américains ont effectivement trouvé un nouveau médicament contre cette maladie.
Conte de Noël écrit par Bernard Mutschler. Alsacien.